Victor Vermorel est un personnage historique encore peu connu et complexe. Cette personnalité a marqué l’histoire du Beaujolais, de Villefranche-sur-Saône et celle des sciences contemporaines.
Né le 29 novembre 1848 à Beauregard (Ain), toute sa vie il ne cessa de participer à la transmission des connaissances et à l’innovation des techniques agricoles et viticoles. Il décède le 13 octobre 1927 en laissant derrière lui un riche héritage de réalisations et de recherches exceptionnel pour le Beaujolais. Un homme passionnant à découvrir…
Né le 29 novembre 1848, il grandit à Villefranche-sur-Saône, dans un univers agricole aux pratiques encore très traditionnelles. Son père, Antoine Vermorel, est à la tête d’un petit atelier de machines agricoles. Ce dernier crée des outils agricoles, comme le tarare et le Moulin Tracnai, dont il dépose un brevet d’invention, et qui permet de diversifier ses productions.
Alors que Victor poursuit brillamment son éducation au lycée de Bourg-en-Bresse, son père l’en retire pour qu’il réintègre l’atelier familial. Doué pour le dessin et la géométrie, Victor aide ses camarades d’atelier dans leurs réalisations. C’est un jeune homme assoiffé de savoir et curieux de tout.
Père et fils partagent une même passion : les machines et les concours agricoles. C’est justement lors d’un concours de rapidité de confection de beurre, que le jeune Victor, remporte la 2e place pour avoir confectionné son beurre en 11 min, dépassant ainsi son père qui l’avait réussi lui en 20 minutes…
En 1869, Victor part seul et sans prévenir quiconque en Allemagne pour continuer son apprentissage du travail industriel. Quelques mois plus tard, il rentre chez lui, mais la guerre franco-prussienne de 1870 l’envoi au front de l’Est à Belfort. En rentrant de la guerre, son père étant décédé un an auparavant, il reprend la tête de l’entreprise familiale.
En 1877, il épouse civilement Georgette Pierre. Georgette devient sa plus étroite collaboratrice ; elle tient la comptabilité et la gestion quotidienne de l’entreprise, ce qui lui permet à son époux de voyager pour développer la notoriété de l’entreprise et de se consacrer aux inventions.
A la fin du XIXème siècle, le petit atelier familial est devenu une entreprise florissante.
Le couple Vermorel investit dans des terres et des édifices pour étendre leurs manufactures et loger leurs employés.
De 1872 à 1892 Victor se consacre à l’agriculture. Il commence par agrandir l’atelier, puis se spécialise pour créer de nouvelles machines agricoles
1874 : Victor crée l’Union Philomatique avec d’autres passionnés. Cette société pour « la culture de la science et de sa vulgarisation » connait un bel essor qui rallie d’autres passionnés. Claude Bernard, le célèbre médecin, les encouragent dans leur démarche. Bien que courte dans le temps, cette société leur permit d’organiser des concours, des conférences, des excursions… La fermeture de l’Union Philomatique en 1878 n’entame pas la passion de Victor pout la diffusion et le développement de connaissances du monde agricole.
Alors que les vignobles français sont attaqués par un petit parasite ravageur, le phylloxera, Victor Vermorel, sensible aux désarrois des vignerons, veut agir.
En 1883, il achète la licence du Pal Gastine, un appareil injectant des produits insecticides, et le modifie pour créer un nouveau modèle : le Pal Excelior. Bien qu’efficace, ce sont les greffes faites à partir de plants américains résistants au Phylloxera et qui apportent une réponse biologique pérenne.
L’accalmie est de courte durée. Le mildiou, champignon parasite, se répand dans les vignobles de France. Inspiré du succès des greffes, de nouveaux essais sont faits mais ils ne donnent pas les effets escomptés. Inspiré par les travaux de l’entomologiste Charles Valentine Riley, Vermorel crée un nouveau système révolutionnaire de pulvérisation : l’Eclair est né !
Cet appareil en cuivre, aux lanières de cuir permet d’être porté sur le dos. Au bout de sa lance, de fines gouttelettes se répandent après l’actionnement d’une pompe à bras. C’est un succès retentissant !
Sa commercialisation dès 1887 marque le début de la véritable fortune des Vermorel.
Outre ses activités industrielles, Vermorel ne cessa de participer à l’augmentation des connaissances des techniques agricoles et viticoles.
En 1888, Victor décide de créer son propre centre de recherche consacré à la vigne. Il achète à Villefranche, la propriété des Roches et un vaste terrain pour y installer dans un pavillon : la 1ère station viticole. Là, il peut accueillir une chimiste et un agronome pour faire des conférences et rédiger des notices instructives. Très vite, il s’adjoint les services d’un spécialiste des insectes et d’un expert en maladies cryptogamiques. Il crée un lieu entièrement consacré aux travaux expérimentaux sur tous les aspects qui touchent à la culture de la vigne. C’est, en France, le premier établissement privé de ce type. La devise de la station est « Le progrès par l’expérience » apportant ainsi aux agriculteurs et aux vignerons une instruction par l’exemple.
Il met aussi en place des cycles d’études entièrement gratuits. Toute l’Europe vient visiter ce lieu unique : étudiants, chercheurs, vignerons, agronomes, etc. Scientifiques et étudiants profitent lors de leurs visites d’un matériel innovant : un laboratoire de physiologie avec salle de microscopie, une chambre de culture, un laboratoire de chimie, une bibliothèque, une station météorologique, des collections géologiques de référence. Rapidement, la station devient vite trop petite. Victor regrette juste que les viticulteurs de la région ne profitent pas assez de tous les services mis à leur disposition.
En 1891, Victor acquière une propriété à Liergues. Il baptise la propriété « l’Eclair ». Là, il s’emploie à rétablir le domaine ruiné par le phylloxera. En 1894, l’exploitation viticole a un rendement exceptionnel ! Ce domaine devint un champ d’expérimentation pour servir à toute la viticulture beaujolaise. Cet héritage se poursuit d’ailleurs aujourd’hui encore avec la Sicarex Beaujolais.
La 2ème station viticole
En novembre 1897, Victor commence les travaux de la 2ème station viticole : l’actuel « 210 en Beaujolais ». Les travaux s’achèvent en septembre 1898. On y trouvera différents laboratoires : chimie, entomologie, botanique, un atelier de photographie pour la photo-micrographie… mais aussi des bureaux, des laboratoires d’entomologie, de botanique, de pathologie, de physiologie, de micrographie, de chimie… et même un atelier de photographie. A l’époque des vendanges on y procède à un grand nombre d’analyses de raisins, de moûts…
La station viticole fonctionne à partir de 1898, mais l’aménagement se poursuit. Entre 1900 et 1903, 2 pavillons sont construits pour compléter l’ensemble et agrandir.
Les deux galeries entourent une vigne pour les expériences, une serre et une station météorologique. Chimistes, botanistes, entomologiste botaniste, bibliothécaires… travaillent dans ces bâtiments. De 1898 à 1914, une grande émulation se propage dans la station.
Après la Première Guerre mondiale, les maladies de la vigne sont pour la plupart vaincues. Mais la station continue à fonctionner et des recherches y sont toujours menées jusqu’à la vente de l’entreprise Vermorel en 1953 à la société Philips et Pain qui sonne le glas de la station viticole.
Le 27 novembre 1961, le Syndicat agricole et viticole rachète les bâtiments pour y regrouper les organisations viticoles beaujolais dans un même lieu, et préserver le patrimoine si singulier des Vermorel.
Les réalisations de Victor Vermorel sont innombrables dans de nombreux domaines, mais toujours à la recherche de moyens pour diffuser et transmettre l’innovation, on peut considérer avec raison la station viticole comme sa plus grande oeuvre.
La bibliothèque Vermorel, l’un des fleurons de la station viticole, est spécialisée dans les ouvrages de viticulture, de pathologie végétale, de chimie agricole… Et même de zoologie ! En 1928, elle compte 30 000 volumes. Dans son domaine, c’est la bibliothèque la plus importante, et certainement la plus complète et renommée de France.
Pour transmettre le résultat de ses recherches et les informations recueillis, Victor Vermorel crée « La revue trimestrielle de la station viticole ». Il propose aux agriculteurs d’obtenir par courrier, moyennant un timbre pour la réponse, toutes les réponses à leurs questions sur les différentes maladies, l’exploitation… Les stagiaires et les élèves diplômés des écoles d’agriculture y trouvent à titre gratuit, tout ce qui est nécessaire aux travaux qu’ils poursuivent.
À partir de 1900, on y trouve la fameuse ampélographie en sept volumes. Elle est financée et initiée par Victor, et coordonnée par Pierre Viala. Au total, ce sont 32 000 pages enrichies de 500 planches en couleurs, 840 gravures, qui documentent 5 200 cépages répertoriés dans le monde entier. Cet ouvrage reste l’un des jalons historiques important pour l’étude des cépages. Aujourd’hui, la salle de la bibliothèque, qui lui est dédiée, expose des planches originales.
Son musée : Templum Vini
Toujours à la recherche de transmission de connaissance et de savoir-faire, Victor Vermorel rachète en 1924 un terrain adjacent à la Station Viticole pour en faire un musée du Vin (Templum Vini). Il voulait y retracer l’histoire du vin de l’antiquité à nos jours. Le bâtiment sera construit mais, il meurt en 1927 avant qu’il n’est pu finaliser son projet. Georgette, son épouse aurait aimé poursuivre cette aventure mais n’y parvint pas avant son décès en 1929.
Outre les machines agricoles, l’entreprise entend conquérir les machines de transports. Entre bicyclettes, automobiles et, dans une moindre mesure, les moteurs d’avions, les ateliers produisent !
L’année 1898 marque le début de l’aventure automobile pour la famille. La « Vermorel » sort en premier de l’usine. En 1908, la première voiture de sport se fait remarquer lors de la course de la côte du Mont Ventoux.
La faible production de voiture, en partie due à la personnalisation des véhicules ne permet pas à la branche de grandir. En 1905, les Vermorel commencent à produire leurs voitures en petite série. Les demandes les conduisent à produire d’autres types de véhicules allant des petits utilitaires aux camions.
L’été 1914 marque un tournant malheureux dans les productions de l’entreprise. Elle soutient les efforts de guerre. Les pulvérisateurs sont employés sur le front pour contrer les gaz asphyxiants et assainir les tranchées. La branche automobile fournit les militaires en véhicules. La mondialisation du conflit leur a permis d’exporter leurs véhicules.
Dans les années 1920, la « Vermorel » est considérée comme la « Rolls » des voitures étrangères par les Britanniques. Mais, la crise économique des années 1930 et la généralisation de la production à la chaine ont raison de la branche automobile. Édouard, fils de Victor et Georgette, resta à la tête de l’entreprise jusqu’à son décès en 1956.
Victor Vermorel a aussi été un politicien français partisan des idéaux radicaux-socialistes, alors à gauche du nouvel échiquier politique de la IIIe République naissante.
Sa carrière politique se fait en deux temps. Tout d’abord, il est intronisé franc-maçon et intègre la loge « Bienfaisance et amitié » de la Croix-Rousse à Lyon dont faisait déjà partie son père, puis, la loge « Fraternité Progressive » à Villefranche-sur-Saône. Ce monde ne satisfaisant pas sa soif et sa curiosité, il retourne à son étude des sciences naturelles dans les montagnes du Beaujolais.
À la fin du XIXe siècle, il reprend ses ambitions politiques. Il est tour à tour conseiller municipal, second adjoint au maire de Villefranche (1891-1895), Vice-président et Conseiller Général du Rhône (1907-1919), maire de Liergues (1906-1918) et enfin Sénateur du Rhône (1909-1919).
Victor Vermorel décède le 13 octobre 1927 et laisse derrière lui un riche héritage pour le Beaujolais. Il fut l’un des plus brillants industriels français du 20ème siècle, un grand humaniste et mécène pour la science, pour sa ville natale et le Beaujolais.
Templum Vini, le lieu de référence et de ressources dédiée aux vins, aux métiers de la vigne, à la culture du Beaujolais et à Victor Vermorel.
Templum Vini cultivons ce qui nous lie
Pour ne rien rater de notre actualité, laissez nous votre mail